Le pèlerinage du coeur : un voyage en « soi »

Si l’eau d’un étang reste immobile, elle devient stagnante, boueuse et fétide; elle ne reste claire que si elle remue et coule. Il en est de même pour l’homme qui voyage (…)”

Le voyageur vers Dieu, est celui qui  s’engage dans la voie de la proximité du Seigneur, pour en atteindre les différents mondes, après avoir été initié aux principes de la religion par des maîtres qualifiés et être devenu familier de la loi religieuse, il fait son baluchon pour le voyage et s’engage sur la voie en direction de son objectif.  Là commence une marche, une pérégrination, un voyage spirituel. “ Solûk” (le voyage spirituel)  qui en langue arabe a le sens général de <<marcher >> ; marcher soit dans le monde extérieur, celui de l’apparence ; soit dans le monde intérieur. Pour  les soufis, la pérégrination est une marche particulière : elle est à la fois voyage vers Dieu et voyage en Dieu … un voyage vertical !

L’homme a des rangs. Les qualités et les dispositions inhérentes qui sont cachées en lui se manifeste à chaque rang. Une fois tous les rangs de l’homme manifestés, toutes ses qualités et dispositions le sont aussi. Le voyageur devient  vicaire de Dieu : ses paroles sont  les paroles de Dieu ; ses actes, les actes de Dieu. Ceci  est l’épiphanie suprême, la manifestation de l’éthique et de la connaissance.

 Une pérégrination

 L’homme à des rangs, tel l’arbre des étapes.  Ce qui apparaît à chaque étape  du développement de l’arbre est bien évident. L’affaire du jardinier est donc de rendre le sol meuble et adapté, de le nettoyer des broussailles et des ronces et de l’arroser en temps voulu afin de protéger l’arbre des fléaux jusqu’à ce que tous ses stades, chacun en son temps, deviennent manifestes. Alors , au pèlerin , apparaîtront chacun en son temps , la pureté , le beau caractère , la connaissance , le dévoilement des secrets , la manifestation des lumières et d’autres choses encore dont il n’aura jamais entendu le nom , et qui ne lui seront jamais venues à l’esprit.  Pour ne point dévier, le pèlerin  doit être d’une haute énergie spirituelle et, tant qu’il sera en vie, se donner à la tâche avec assiduité et persévérance, car la science et la sagesse de Dieu sont illimitées.

Tous les stades de l’arbre des étapes, sont dans le grain. Mais il faut l’habileté et les soins du jardinier perspicace pour que tous deviennent manifestes. Il faut l’attention du sage, son enseignement et ses soins.

Un voyage en “soi”  

<< Les connaissances première et dernière sont cachées en ton essence. Tout ce que tu cherches, cherche- le en toi ! Que chercherais- tu au dehors ? >>

Tire l’eau de ton propre puits. Et de cette eau, autant que tu en tires, prodigue- la  aux alentours ; elle n’en sera en rien diminuée ; elle en sera accrue !  Loin de tarir, l’eau jaillira chaque jour plus limpide et pure ; elle sera la panacée contre les plus grave maux.

Le pèlerin par cette voie, récolte la science et la connaissance mystique : l’eau de la Vie jaillit de la source de son coeur. Il ne fait aucun doute que l’extérieur affecte l’intérieur et pareillement l’intérieur l’extérieur.

Ce n’est que lorsque le corps devient limpide que l’intérieur se trouve entre deux mondes purs. Alors, tout ce qui est dans le monde invisible se reflète sur le coeur du pèlerin ; tel deux miroirs polis l’un en  face de l’autre ; tout ce qui est en celui- ci apparaît en celui -là et inversement. Ceci est la vertu du pèlerinage aux lieux saints, la réalité même du pèlerinage. Ceux qui cherchent Dieu ont une haute énergie spirituelle ; ce sont eux les meilleurs des hommes ; ils constituent la famille des pèlerins.

Quiconque entreprend le pèlerinage doit nécessairement connaître quatre choses : le but, le voyageur vers le but, la voie vers le but et le guide, lequel est l’Hégémonie.  Sans la connaissance de ces quatre choses le pèlerinage est impossible. Sache que le but, le désir ardent des pèlerins, est la perfection. Le voyageur vers le but, selon certain, est Dieu ; selon d’autres, l’esprit du pèlerin ; selon d’autres encore, la Lumière Divine.  Le voyageur est l’âme du pèlerin ; cette âme est une lumière unique mentionnée par des épithètes , des qualitatifs et des noms différents tels esprit , coeur , intelligence , lumière divine ; toutes ces appellations désignent une même substance ; que cette substance unique est la réalité vraie de l’homme .

Pour arriver au terme du voyage, il faut que l’homme brise toutes les limites du monde matériel ainsi que celles du temps, de l’espace et même les limites essentielles qui définissent tous les états, pour se plonger jusqu’à la « noyade » ou « l’immersion » et l’annihilation, dans le monde du Lâhût (le monde divin), pour obtenir enfin la rencontre avec Dieu, et être interpellé par :

« Ô toi, âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée ; entre donc parmi Mes serviteurs, et entre dans Mon Paradis ». (Sourate Al-Fajr (L’aube) ; 89 : 27-30)

 Cinq étapes résument le voyage menant à cette demeure finale sans pareille :

Première étape : Le parachèvement et la consolidation des racines de la foi et l’attention particulière aux fondements de la religion.

Deuxième étape : La repentance, conversion, le retour aux bonnes œuvres, le renoncement aux péchés et le  renouvellement de l’engagement à se conformer aux obligations légales.

Troisième étape : Se rendre prêt pour purifier l’âme de ses vices et défauts et l’embellir par les caractères vertueux.

Quatrième étape : Éliminer l’égoïsme et réaliser l’annihilation de soi au regard de la grandeur de Dieu.

Le pèlerinage est cette marche par laquelle le voyageur parcourt ses propres rangs. Il est évident que le voyageur, c’est toi ; la voie et l’étape, toi encore. Lorsque les rangs du voyageur sont tous manifestés, commence le voyage en Dieu ; ce voyage  ne s’achève jamais.

“ La bougie de la victoire ne se consume que dans le bougeoir de l’humilité.”

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