En Islam, comme dans bien d’autres civilisations, le printemps est l’emblème de l’Eden (paradis).
Le printemps est souligné par la présence d’oiseaux, le retour d’une migration au Soleil (Sud). Ces derniers peuvent être réels (rossignols, huppes, etc.) ou mythiques, comme le Sîmorgh. Dans le Coran, le langage des oiseaux est la sagesse initiatique accordée par Dieu au Prophéte Sulayman (Salomon – que la paix soit sur lui). Le soufisme utilise fréquemment l’image de l’oiseau pour symboliser l’âme supérieure ou céleste, une motion ou une inspiration spirituelle des principes et des états de l’être. Les oiseaux sont presque toujours associés à des arbres en fleurs, et l’on peut y voir le symbole des degrés spirituels (les oiseaux) au sein de la Réalité divine (l’arbre), ou le symbole du saint soufi (l’arbre) et de ses réalités intérieures (les oiseaux). L’oiseau est associé à l’âme, sa cage au corps, son envol à la liberté de la conscience spirituelle volant en Dieu. Dans la littérature soufie, le printemps jouit d’une signification privilégiée, aux connexions multiples et interdépendantes.
Rûmî écrit qu’en « dehors du printemps du monde, il est un printemps caché ». Cette saison secrète, dont le printemps terrestre est le reflet fugace, n’est autre que le temps divin de l’âme, sa renaissance éternelle en Dieu. Sultân Valad recommandait à ses disciples de se figurer « l’Essence de Dieu à l’instar du printemps ». Nezâmî associe au réveil printanier de la nature l’idée de l’immortalité spirituelle (la Source de vie) et d’un ésotérisme immuable (toujours vert), représenté par Khidr, personnage mystérieux mentionné par le Coran dans la sourate la caverne (al Khaf) : « Alors, tel Khidr Verdoyant, Immortel Prophète, L’herbe recouvra jouvence ! Alors l’eau recouvra Source de vie ! »
Le sens du printemps se déduit de ses caractéristiques : après la « face froide » de l’hiver, avant la brûlure de l’été et à l’opposé des nostalgies automnales, il est une rénovation et une transfiguration. Plus que le retour cyclique d’une floraison, il est le miracle de l’existence surgi du « néant hivernal », tout comme l’oasis est l’ivresse d’un désert touché par un don de Dieu. Ses explosions de couleurs et de senteurs incarnent le mouvement de la joie, l’expansivité de l’Amour, la sève expressive de Dieu et l’alchimie d’une révélation. Le printemps est aussi l’accomplissement d’une promesse : celle du paradis après les épreuves « hivernales » de la vie terrestre ou après la tristesse automnale de la séparation entre l’âme et Dieu. Par sa nudité ascétique, la purification spirituelle est un hiver de l’âme, alors que la transmutation est une éclosion de printemps, une libération des potentialités cachées, un épanouissement de parfums contemplatifs. Pour Rûmî, le printemps est un symbole de l’union spirituelle, de la Miséricorde et de la Douceur divine, de la floraison des mystères. Comme l’Esprit, le printemps est apparent dans ses effets, mais caché dans son essence. Shiblî comparait les gnostiques au printemps.
Dans son sens le plus profond, le printemps désigne l’activité absolue de l’Essence, l’actualité permanente de ses possibilités et de ses contenus. Alors que l’homme est passif, Dieu est acte pur : Il détermine sans être déterminé. L’activité divine est comparable à une floraison éternelle des attributs et des essences.
Le printemps, synthétise un ensemble de significations se rattachant à une réalité invisible. Le printemps est l’activité spirituelle de l’âme, l’amour une connaissance vivifiante, la quintessence de l’action Divine. Le Coran est le printemps des coeurs, parfums des bouches, qui fleurissent à sa récitation.
Les symboles peuvent ainsi s’enchaîner, mais le printemps c’est surtout une multitude de couleurs, de végétations, d’oiseaux, de parfums qui vivent en harmonie et chante la Paix : Salam.